Bravo et merci.

Dernièrement, j'étais (pas moi toute seule évidemment) conviée à une "cérémonie" à la Mairie de Toulouse. Un adjoint au maire, qui n'avait pas considéré nécessaire de préparer un discours pour l'occasion (il s'agissait d'un accueil à 25 étudiants japonais de Kyôto en échange pour un mois, c'est pas très rentable), s'est rattrappé en citant THE argument incontestable par rapport au dynamisme de la ville : j'ai nommé le secteur de l'aéronautique et bien-sûr, Airbus.
Il s'est répandu pendant une demi-heure sur la prospérité de l'aéronautique, Airbus et puis aussi l'aéronautique et enfin, il a dit qu'il était très content! Tu m'étonnes, il aurait été drôlement embêté le type si les étudiants japonais étaient arrivés un mois plus tard, pour le coup il aurait du préparer son discours...

Donc, tout le monde est au courant, EADS la maison mère de la filière Airbus prévoit le licenciement de 4300 personnes en France. En période d'élection, tous nos politiciens se réveillent. Ségolène saute plus vite que tout le monde sur le dossier et fait jaillir l'idée lumineuse de "recapitaliser" l'entreprise. Mais au fait ça veut dire quoi recapitaliser? Ben lui donner de l'argent, tiens. Pour augmenter le capital de l'entreprise. Et elle le prend où l'argent? Ben dans les poches des contribuables, tiens! Et qui va profiter de tout ça? Ben les actionnaires, TIENS!!!

Observons les chiffres (ça fait plus sérieux comme disait Saint-Exupéry) : Airbus a fait perdre à sa maison maman 572 millions d'Euros l'année passée. D'accord, c'est beaucoup. Le coût total des licenciements s'éléve à 681 millions d'euros. Pour les contribuables. Si Ségolène donne de l'argent pour la recapitalisation, ça fait encore plus de sous. Parce qu'il ne faut pas rêver, si l'Etat injecte des capitaux dans l'entreprise, ça ne les empêchera pas de licencier plus tard quand même. Alors, les contribuables vont devoir se coltiner TOUS les frais? Euh, là, Ségolène elle se dit qu'il vaudrait peut-être mieux consulter Angela Merkel pour voir si elle la soutiendra dans son projet face à la BCE. Voui, voui,voui. Sauf qu'elle a oublié un truc, c'est qu'Angela Merkel, elle s'en balance complètement.
"Dans ces moments-là, il n'y a ni droite ni gauche, il y a la volonté de se battre ensemble", dit Ségo. On y croit tous!

Reprenons depuis le début:

1970
Un GIE (Groupement d'Intérêts économiques) est créé, portant le nom d'Airbus. Il regroupe une entreprise française d'Etat, quatre sociétés allemande, une britannique et un espagnole. Un GIE est une association de sociétés qui vise à faciliter leur activité et leur développement. Il n'a pas de vocation boursière, et peut se constituer sans capital.

1997
Des hommes politiques (Chichi, Jojo, Toto et Mutmut) se réunissent pour faire du décisionnage quant au changement de statut d'Airbus. Il est décisionné à cette occasion qu'Airbus deviendrait une société privée avec comme actionnaires principaux L'Etat français, le groupe Lagardère (d'ailleurs le groupe Lagardère vous invite à suivre la retransmission des Résultats Annuels 2006 le 12 mars, à 17h45, ne nous privons pas), l'Etat allemand et le groupe Chrysler-Daimler.


2000
Le grand jour est arrivé. La société EADS est créée et Airbus est aspirée. Champagne! Un peu moins de champagne pour l'Etat, qui ne dispose que de 15% et d'un pouvoir de décisionnage minime qu'il n'utilisera jamais.

2002
4000 emplois sont supprimés mais on en parle peu car ce n'est pas en France.

2006
Airbus enregistre une hausse de 14% de son chiffre d'affaire qui s'élève désormais à 25,9 milliards (sur un total de 39,4 milliards pour EADS)

2007
Le projet POWER 8 (8 fois plus de pouvoir) est décisionné, il prévoit entre autre le licenciement de 10 000 personnes dans toute l'Europe.

La logique du capitalisme, c'est à dire la non-logique l'a encore emporté. Ignorants que nous sommes, nous croyons que l'économie est une chose trop compliquée et qu'il vaut mieux laisser les économistes s'en occuper. Sachez-le, les économistes sont les calculatrices vivantes des industriels. Et il n'y a qu'un idiot pour penser qu'une entreprise qui ne cesse de s'enrichir est en crise et que les licenciements sont la conséquence inévitable d'une telle situation.

Ségolène a proposé la recapitalisation. Les dirigeants d'EADS ont estimé que ce n'était pas nécessaire pour le moment. Tu m'étonnes : "Mais reste au chaud Ségo, au cas ou mes copains et moi on aurait une petite envie".

Villepin s'est opposé à ce que les actionnaires touchent leurs dividendes cette année (les dividendes sont les thunes qu'un actionnaire touche pour avoir passé du temps sans rien faire au sauna), heureusement, nous avons évité de justesse la grosse colère du capricieux Tom Enders, enfant gâté et co-président allemand d'EADS qui a déclaré, et c'est son droit "Aucun gouvernement ne décide de notre dividende". Na! Bien envoyé Tom.

J'apprécie néanmoins l'honnêté du président d'Airbus qui nous révèle, presque impudique, qu'il serait difficile de remettre en cause les grands axes de Power 8 (licenciements), étant donné que ça va générer 5 milliards de trésorerie d'ici 2010 et 2 milliards d'économies annuelles. J'imagine qu'en 2010 le discours de ce genre de personnes ressemblera à ça : " Allez tous vous faire foutre, vous croyez quand même pas qu'on va se priver de plusieurs milliards! On va s'en mettre plein les poches et en plus on va devenir de plus en plus puissant, alors les gouvernements, fermez-la, parce-que c'est plus vous qui décidez de rien et comptez pas sur vos ouailles pour vous donner plus de poids, ce qu'ils veulent c'est consommer, c'est tout. Et n'oubliez pas de visionner la cassette vidéo sur notre site pour la paix dans le monde, qui s'intitule : Ségo se fait défoncer par tous les trous et elle aime ça."

Moi je dis, Toulouse peut être fière de se son dynamisme incroyable et de la présence en son sein d'une entreprise dynamique dirigée par des personnes dynamiques. Tout ce dynamisme me donne envie de hurler en brandissant des banderoles immenses visibles du ciel : "BRAVO ET MERCI!"